En l’an 1973, la nuit qui étend son manteau noir sur la ville de Douala écoute à travers les ondes de la Radio une Voix.
C’est la voix veloutée de Daniel Zock à Mbassa qui impose le silence à toutes les femmes de la ville et à quelques hommes peut-être. Nous étions enfants et c’était l’heure d’aller se coucher mais nous n’en avions cure.
L’émission SÉRÉNADE DANS LA NUIT était attendue pendant une semaine et démarrait avec la chanson “Daniel” de Elton John reprise en français par Marie Laforêt.
« Daniel est là, sur le quai de la gare
Des gens passent, le train va partir
On reste là sans rien dire
Oh ! Oh !
On s’est promis de ne pas pleurer
Dieu, que je t’aime !
Mais j’ai de la fumée dans les yeux …
Le train bouge un peu
On est si malheureux
Je voudrais descendre
Ou t’emmener avec moi
Au soleil
Oh ! Oh !
On s’appellera demain, tu veux ?
Dieu que je t’aime !
Mais j’ai de la fumée dans les yeux
Tu sais, je serai sage
Tu sais, trois jours, ce n’est pas si long, tu verras».
C’était le courrier du cœur. Daniel était le conseiller sentimental de tous les amoureux qui avaient un problème.
Il lisait les lettres les plus invraisemblables, les plus pathétiques et même les plus banales parce qu’il s’était fait le serviteur de l’amour.
Il devait trouver une solution, apaiser les cœurs brisés, raviver les espoirs, rallumer une flamme, raffermir les unions.
Derrière le transistor, on ne savait rien de lui, de sa vie intime voire de son physique.
Mais pour ceux qui le connaissaient, il avait été gâté par Apollon, beau gosse, élancé, toujours souriant sous sa barbe fleurie. Mais au fond c’était un sacré timide et introverti.
Il avait une voix doucereuse, câline et chantonnante, un débit posé, des mots simples et justes. Bref c’était le gendre idéal pour les belles-mères rêveuses du prince charmant pour leurs filles.
Entre deux lettres, il nous distillait quelques pépites musicales de la variété française : Jeane Manson “Avant de nous dire Adieu”, Alain Barrière “Tu t’en vas”, Marie Laforêt “Viens, viens”, Dalida et Alain Delon “Paroles, Paroles.
L’émission se concluait avec Mireille Mathieu, “On ne vit pas sans se dire adieu”. Cette chanson était d’une tristesse à fendre le cœur des grandes sœurs qui pleuraient bien plus qu’une Madeleine.
Pour sécher leurs larmes elles se jetaient dans leurs cahiers de souvenirs agrémentés de chansons et de photos découpées dans les magazines Salut les Copains, Ok, Mademoiselle âge tendre. Moi j’avais mon cahier de morceaux choisis pour faire comme elles, mais plutôt avec des récitations et des chansons écolières.
Elles collectionnaient également les magazines Bingo ou Amina avec leurs romans-photos en noir et blanc ainsi que les fotonovelas italiens des éditions Lancio (Charme color, Kiss color, Lucky Martin etc.)
Les acteurs qui revenaient très souvent étaient : la très jolie et sensuelle Michèle Roc, Maria Antonietta, le plus beau et le plus charismatique Franco Gaspari, Simona Pelei, Claudio Aliotti, Luigi Alfieri, Alex Damiani, Marina Santi, Maurizio Vecchi, Claudia Rivelli, Suzie Sudlow.
Daniel Zock à Mbassa nous avait vendu du rêve pour pas très cher, Daniel le poète, le conseiller, le complice, le frère et même l’amoureux qui pouvait alors mettre la clé sous le paillasson pour de nouvelles aventures. Il créa“Roue libre” à Yaoundé avec à sa suite le regretté Lucien Mamba dans les années 80.
Joly Nnib Ngom s’engouffra avec plus de bonheur dans la brèche laissée béante par Daniel avec “À cœur ouvert”.
Après une formation en France, retour de Daniel à Douala le 06 mai 1992 pour lancer la chaîne FM 105 Suellaba avec Rigobert Dia Mbongué, Moïse Bangteke, Solange Aïcha, Jean Robert Tchatchou, Leonard Chatelain et les autres.
Cet homme était multidimensionnel : animateur, imprésario et comédien à la fois.
Il n’eut pas le temps de “voir grandir son enfant”, la FM 105 quand sept mois plus tard la faucheuse vint nous l’arracher.
Il périt de manière tragique des suites d’un accident de la route le 16 novembre 1992 sur l’axe lourd, l’axe de la mort Douala-Yaoundé.
«Daniel n’est plus sur le quai de la gare
J’ai fermé les yeux
Pour ne pas voir Dany me dire adieu
Oh ! Oh !
J’avais promis de ne pas pleurer
Dieu, que je t’aime !
Mais j’ai de la fumée dans les yeux
Mon Dieu, que je t’aime ! »
Un clin d’œil à quelques animateurs de talent qui ont jalonné son parcours et je pense à :
Joseph Tétari Mvondo.
Rémy Minko, Michel Essang, Mathieu Felicien Essoka Ntonga, Agnès Ndoumbe, Hippolyte Nkengue , Leonard Châtelain. Sergeo Pouth, Saint-Lazare Amougou, Francine Ngo Bata. Jean Théodore Nyam à Mongam, Albert Mbida, Jean-Paul Nanga Abanda, René Kanebena, Theodore Nyam à Moungam, Evelyne Ngono à Ribama, Thomas Babikussana.
À vous de compléter la suite.
TSANA MINALA Dominique
