Guibai Gatama

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Il y a des symboles qui vous posent un homme. Une allure qui éclaire sur la personne. Du haut de ses 46 ans, Guibai Gatama ne se prend pas trop au sérieux. Impossible de le trouver en trois pièces. Le costume n’est vraiment pas son truc. Il renseigne qu’il n’a d’ailleurs pas de cravate. « Je n’en ai porté une qu’une seule fois dans ma vie, j’ai toujours assimilé la cravate à une certaine bureaucratie », glisse-t-il en laissant échapper ce sourire sobre qui en rajoute à une bonhomie naturelle.

Il vend du sable à 10 ans

Et si Guibai a toujours arboré des tenues décontractées c’est sans doute parce qu’il est permanemment au charbon. Peut-être se croit-il en mission pour une cause. Il est à peine sorti du berceau que déjà il met le bleu de chauffe. Son village natal est bien Mokolo mais c’est à Douala qu’il trace son sillon. Papa est un honnête policier qui veille convenablement sur sa progéniture. Maman est mère au foyer et participe à la cagnotte familiale grâce à ses petits commerces. Suffisant pour ne pas crever la dalle. Mais ce confort relatif ne satisfait point le petit Guibai qui se cherche une voie propre.

Élève à l’école publique de Bepanda, à Douala, il vend des cigarettes pendant les après-midis de match de football de l’élite camerounaise. Il aide aussi accessoirement sa maman dans son petit commerce de croquettes mais n’apprécie guère de « travailler sans salaire ». Et quand cette dernière décide de le sanctionner pour avoir joué avec son capital, le petit ambitieux n’y voit qu’une opportunité pour renforcer son autonomie. « Elle a décidé de me sanctionner et de me sortir du commerce des croquettes parce que j’ai perdu un plateau de marchandise. J’ai saisi l’occasion pour commencer à vendre du sable et gagner de l’argent. J’avais moins de 10 ans ». Sans jamais négliger ses études, Guibai prend goût aux petits boulots. Quand son père est par la suite muté à Kousseri en 1984, l’adolescent s’improvise photographe et…vendeur de vélos. « Je faisais venir des vélos neufs du Nigeria, je les vendais 10.000 Fcfa pièce et je dégageais un bénéfice de 1000Fcfa par vélo », se rappelle-t-il. Et c’est un homme déjà passablement rodé aux affaires qui obtient son Baccalauréat au Lycée Classique de Garoua en 1992.

A l’école de l’économie

Il a fait ses études à l’Université de Ngoa Ekelle en filière l’Histoire et la Géographie ou il partage ce projet d’études avec un ami (aujourd’hui officier de l’armée camerounaise) les deux conviendraient d’aller s’y inscrire mais celui-ci fera faux bond a son ami qui ira le faire tout seul. Plus tard, par coup du destin, il décide d’opter pour les sciences économiques. Pour un titulaire d’un Bacc A ceci s’avérait être un vrai challenge

Mais Guibai n’a pas peur des défis. « Je voulais être banquier sans vraiment m’en donner les moyens d’y parvenir. En vérité mes vraies aspirations ont toujours été ailleurs ». Ailleurs ? Mais où donc ? D’abord dans une passion toujours ardente pour la vie associative et les humanités : « Déjà au Lycée Classique de Garoua il avait créé avec des amis l’Association des jeunes élèves du Mayo Tsanaga, il poursuivi sur la même lancée à l’Université en devenant le Président de l’association des élèves et étudiants du Mayo », rappelle-t-il. Ailleurs ? Et encore… « Dans le journalisme où il a toujours baigné. Son père était abonné à Jeune Afrique. Il collectionnait tous les vieux numéros pour les revendre en prenant soin de les avoir préalablement tous lus. Sa culture journalistique était telle qu’au quartier tout le monde le croyait sur parole. Plus tard, il travaillé au Club Journal du Lycée et il animait même des émissions radio avec quelques camarades. A l’Université il travaillait bénévolement à la bibliothèque de l’Aumônerie catholique universitaire, ce qui lui permettait d’avoir accès aux livres »

Une vocation première donc pour cet anticonformiste qui n’a jamais fait d’école formelle pour devenir journaliste. « Je n’ai d’ailleurs jamais fait aucun concours de la fonction publique. Le seul concours que j’ai passé dans ma vie est celui de l’entrée en 6e », s’amuse-t-il. Même s’il ne l’avoue pas de manière tranchée, Guibai est donc un self-made man, habile pour casser les codes et se frayer son propre chemin. Toujours en marche. Quand l’idée lui vient de traduire en projet ses aspirations journalistiques, c’est plutôt en patron de presse qu’il se voit. Parallèlement à ses études sanctionnées par une Licence en Sciences économiques, il déserte le domicile de sa belle-sœur qui l’héberge à Yaoundé pour suivre un de ses amis qu’il admire particulièrement pour sens des affaires. « Très connu, mon ami Hyppolyte Kamseu était vendeur de fournitures scolaires au marché central devant le magasin Nziko. Je l’ai rejoint chez lui et j’ai commencé à lui donner un coup de main. J’ai fini par avoir mon propre commerce et 3 pousse-pousse à moi seul », raconte Guibai.

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