Pour la commémoration de l’an X de la disparition de Pius Njawé, mes confrères de Le Messager m’ont fait l’honneur d’être leur éditorialiste invité. Ce sont les lignes qui suivent:
Une ou deux choses que nous lui devons
Lors qu’aujourd’hui dans notre pays, un rédacteur-en-chef peut boucler son journal, le monter et l’amener directement chez son imprimeur, on semble oublier l’époque, pas si lointaine, où, après avoir terminé de relire la morasse d’un journal, il fallait la faire transiter par un passage obligé : la censure. Installée à la » Direction des affaires politiques » du ministère de l’Administration Territoriale, ce service décidait de ce que devaient lire ou ne pas lire les Camerounais. C’est après leur visa que l’on pouvait présenter pour tirage, un journal dans une imprimerie. L’homme à qui la presse camerounaise doit le combat pour la suppression de la censure est celui que l’on commémore en ce jour.
Pius Njawé a fait ce ce combat le sien. Dans toute la vague des revendications d’ouverture sociopolitique du début des années 90, la voix de Pius Njawe portait la demande forte sur la fin de la censure. Le chemin a été long : après la promulgation de la loi de 90 sur la Communication Sociale qui de fait levait la censure préalable, il aura fallu six longues années de combat, pour que son application soit effective…
Pius Njawé, en plus du baroud qu’il a assuré courageusement, au prix souvent d’une liberté qu’il a sacrifiée, intrépide, tant de fois, avait une autre conviction : celle de l’union qui fait la force. On ne l’a jamais assez dit, faute d’avoir pu mettre en place un rassemblement de journalistes au Cameroun,Il rusa en essayant de mettre sur pied la section camerounaise de ce qui était alors l’Union Internationale de la Presse Francophone ( Uijplf) devenue plustard, Upf. Ce sont des envoyés du ministère de l’information et de la Culture de l’époque, qui torpillèrent l’initiative. Il en garda un goût amer, et, loin des mesquineries camerounaises, il porta son souci de se mettre avec les autres, plus loin: Pius Njawe fait partie, et c’est à l’honneur du journalisme camerounais, de la soixantaine d’hommes de presse qui en 1991 ont rédigé » la Déclaration de Windhoek » qui a consacré le 3 mai comme Journée Mondiale de la Liberté de la presse dans le monde entier.
Il aurait pu lancer la toute première radio privée du Cameroun. le pouvoir, échaudé sans doute par » l’effet Messager », ne lui en donna jamais la possibilité…
On a trop souvent tendance à l’oublier : Le Messager a été créé par un gamin : en 1979, Pius Njawé avait 22 ans! Et avec sa quarantaine d’années Le Messager fait figure de « doyenne » des journaux de la presse non étatique au Cameroun. Dix années après sa tragique disparition, pour ces portes qu’il a ouvertes et par lesquelles nous passons tous les jours, nous lui devons bien hommage.
Haman Mana