Devoir de mémoire : David Dachi Tagne, le plus grand journaliste culturel qu’a connu le Cameroun

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Le silence observé autour de la mémoire et du parcours de ce génie me peine beaucoup. Quelle ingratitude !

Il est pour moi, le plus grand journaliste qu’a produit le Cameroun. S’il m’était donné de rebaptiser la principale école de journalisme du Cameroun (ESSTIC), je lui donnerai le nom de cet homme qui a consacré sa vie à servir son pays. David Dachi Tagne a abattu un travail phénoménal pour la culture Camerounaise. Et son héritage demeure vivant, faites un tour aux archives de Cameroon tribune et vous allez toucher du doigt la qualité et la quantité du travail de fourmi réalisé par ce passionné et ce patriote comme il n’en existe plus au Cameroun. Sa passion c’était le travail et on se demandait où il trouvait le temps pour réaliser tout ce qu’il faisait. C’est l’histoire d’un homme qui a eu plusieurs vies en une seule : journaliste dans la presse écrite, journaliste radio et télé, critique littéraire, éditeur, écrivain, enseignant. Il a refusé toutes les sollicitations des médias et universités sur le plan international. Son crédo s’était : « rester au Cameroun, le servir et valoriser notre richesse culturelle ».

Et lorsque l’unité nationale et le vivre ensemble étaient menacés, contrairement à nos journalistes actuels qui se disent « neutres », il n’hésitait pas à prendre position et organisait des moments de réflexion ; on lui doit notamment le livre « Ethnofascites : la vérité du sursis ». En effet, en 1987, est né dans les débats politico-culturels au Cameroun, le concept « ethnofascisme » qui selon son concepteur exprimait « la volonté d’hégémonie d’une ethnie ». L’objectif de Ndachi à travers son livre est que « les uns et les autres dépassent les intrigues et les suspicions mortifères et s’attèlent à une tâche contraignante mais exaltante et grandiose : la construction nationale ». Un livre qui au regard de l’actualité récente demeure d’actualité.

Voilà le rôle de l’intellectuel au sens « Mongobetienne » du terme ! Un journaliste qui n’a fui pas ses responsabilités, un journaliste qui n’a pas fui son pays malgré l’adversité et les sollicitations, un journaliste qui n’a pas fait des compromissions dans l’optique de préserver ses intérêts égoïstes, un journaliste qui prenait position lorsqu’il le fallait.

Son parcours mérite d’être connu de tous.
David Ndachi Tagne est né le 3 mars 1958 à Ebolowa dans le Sud du Cameroun. Il y fait ses études et va obtenir un Doctorat en Littérature obtenu en 1985 à l’Université de Yaoundé. On peut déjà dit que son lieu de naissance l’a prédisposé au brassage et au vivre-ensemble.

Il est Surnommé « Fait-tout » dès son très jeune âge car David Ndachi Tagne s’intéresse à un très grand nombre de domaines. Très curieux et assoiffé de savoir, il veut tout apprendre. Il veut tout faire.
Journaliste et écrivain, David Ndachi Tagne a entamé sa carrière à Cameroon Tribune en 1978, avant de devenir correspondant de RFI, puis de l’Agence France Presse au Cameroun. Un parcours brillant et sans fautes.

Figure incontournable de la presse camerounaise et africaine, il était également titulaire d’un doctorat en littérature africaine et ardent promoteur de la culture africaine. Cet homme s’est beaucoup battu pour la littérature et la culture au Cameroun. C’est lui le promoteur de la défunte maison d’édition de la SOPECAM ; un projet visant à favoriser l’édition et la lecture au Cameroun.
Il a été de 1989 à 1992 le directeur des Editions SOPECAM à Yaoundé. Son passage à la tête de cette structure d’Etat correspond à l’un des moments majeurs de la vie du livre au Cameroun, notamment par le nombre et la qualité des publications et par les efforts de diffusion sur le plan international. Après la fermeture surprise de cette maison d’édition en 1992, Ndachi Tagne monte les Editions du CRAC, reconnues comme l’une des plus dynamiques à cette époque-là.

En tant que journaliste culturel, il a réalisé une pléthore d’articles pour valoriser la culture, la musique camerounaise et ses icônes. Il est d’ailleurs l’auteur du premier livre biographique écrit sur une icône de la musique Camerounaise. En effet, il est l’auteur du livre : « Anne-Marie Nzié, Sécrets d’or », consacré à Anne-Marie Nzié, diva de la musique Camerounaise.
Après la presse écrite, il a fait la radio et même la télévision. Il a été le correspondant de Radio France Internationale (RFI)au Cameroun depuis 1992 jusqu’à son décès.

Il a collaboré plusieurs radios internationales comme : La BBC, La Voix de l’Allemagne, le Radio Suisse Romande, la Voix de l’Amérique. Il a réalisé de nombreux reportages radio et télévision qui ont été primés sur le plan international. Il est l’auteur d’un film vidéo, « Portraits sur fond de crise », réalisé en 1993 pour le compte de l’Agence française Periscoop. Il a par ailleurs collaboré à l’Agence Syfia (système francophone d’informations agricoles) et à Jeune Afrique Economie.
Critique littéraire chevronné, il a publié plusieurs Romans et réalités camerounaises aux Editions l’Harmattan en 1986, et chez le même éditeur une étude consacrée à Francis Bebey en 1993. A son actif, il a des centaines d’interviews d’auteurs et de recensions de livres publiées entre 1978 et 1990, aussi bien dans le quotidien Cameroon Tribune où il travaille alors, que dans de nombreuses revues nationales et internationales.

En tant qu’enseignant il dispensait depuis 1985 des cours de critique littéraire, de journalisme et d’édition à l’Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication, Il a contribué également à de nombreux projets de recherche à l’échelon international, notamment pour la revue française Notre Librairie.

Ecrivain de talent et prolifique, David Ndachi Tagne était l’auteur d’une quinzaine de livres dans des genres aussi différents que l’essai, la poésie, le théâtre, la biographie et le roman. Il a ainsi publié dans le théâtre (M. Handlock, Editions CLE, 1985); dans le roman (La reine captive, l’Harmattan, 1986); dans le récit (La vérité du sursis, Editions Silex, 1987) ; dans la biographie (Anne Marie Nzié, Voix d’or de la chanson camerounaise, SOPECAM, 1990); dans la poésie (Sangs mêlés, sang péché, l’Harmattan, 1992); et des ouvrages didactiques (Guide du journaliste africain en environnement, CRAC, 1996).

Il était marié et père de plusieurs enfants. Le journaliste camerounais David Ndachi Tagne est décédé le lundi 10 octobre 2006 à son domicile de Yaoundé à l’âge de 48 ans.

Arol KETCH – 05.01.2019
Fourmi Magnan égarée

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